Ira, ira pas ?
Les dernières mesures sanitaires énoncées par le gouvernement, nous laissent à penser que nous sommes plus ou moins autorisés à nous déplacer pour ce W.E. de Pâques et nous restons cinq motivés à vouloir en profiter. Pour Sébastien et moi, c’est un retour aux sources puisque la Franche-Comté a été pendant des années le théâtre de nos premiers pas souterrains. C’était cependant il y a plus de 25 ans et les souvenirs ne sont plus aussi fidèles à la réalité…
La Malatière
Cette grande classique d’initiation est au bout du chemin à proximité de notre gite qui porte de fait le nom de « gite de la Malatière ». Idéal pour notre heure tardive d’arrivée, le cheminement est assez rapide dans ce grand réseau horizontal qui fut à l’origine une des plus belles grottes de Franche-Comté. Facilement accessible depuis plus d’un siècle à un public non respectueux, elle a été en grande partie saccagée. Le métro, joignable après l’installation d’une vire et le passage d’une chatière au plafond, reste un peu préservé. Après quelques hésitations de parcours, le terminus 1957 est atteint au bout de 3H après une alternance de passages étroits et de galeries spacieuses. J’entrevois la suite désobstruée en 1993, exploration à laquelle j’avais alors participé, mais nous devons faire demi-tour pour récupérer à temps Louise à la gare de Besançon. Nous nous hâtons sur le chemin du retour avalé en 1h. A noter qu’il faut prendre un peu plus de matériel que celui indiqué sur le topoguide de Yves Aucant de 1990, particulièrement pour la vire : prendre une C25, 6 amarrages sur plaquette et plusieurs AN, (2 spits pour une main courante c’est du très vieux référentiel !! ) le R4 du métro était équipé en fixe ; l’équipement est plus que conseillé, le parcours est très glissant. Présence d’eau au fond, je n’en avais jamais vue autant auparavant. TPST : 4 h pour un peu plus de 1km de développement.
A la chaleur du poêle de la cuisine, les copains ont attendu jusqu’à minuit mon retour, accompagné de Louise, pour que l’on déguste ensemble la quiche préparée par Bertrand.
Les descendants d’Anne de Bretagne au Crotot
L’accès à la rivière souterraine du Crotot est fermé pour protéger ce site exceptionnel qui lui aussi a été en partie saccagé en 1981 par des spéléos indélicats. Roland Brun, l’un des inventeurs de la grotte nous a fait la gentillesse de décaler son programme pour nous accueillir et nous accompagner. Le Crotot, réputé pour sa beauté, est une première pour nous tous et pour ajouter à la nouveauté, nous ferons cette sortie avec un masque, eu égard à notre guide et à son grand âge.
L’entrée désobstruée, s’ouvre au fond de la falaise d’une vaste doline perte. Un ruisseau s’y perd, il collecte les écoulements de diverses combes visibles sur de longues distances dans la forêt environnante. R.Brun nous dira qu’il ne faut mieux pas être en visite par temps de crue. Une fois la porte blindée ouverte, on se faufile dans une trémie sécurisée par des étais et du béton pour retrouver l’eau dans un conduit étroit. Peu de temps après, cet affluent rejoint la rivière. L’amont siphonne assez rapidement mais plus de 2 km de parcours fabuleux nous attendent en aval. Nous avançons confortablement dans l’eau, le plus souvent à hauteur de bottes, en nous faufilant entre draperies, pendeloques, sous des plafonds de fistuleuses et d’excentriques, ou encore de planchers calcitiques suspendus. Plusieurs siphons nous obligent à emprunter des shunts en hauteur et à découvrir des salles d’effondrement richement concrétionnées. R. Brun nous montre la salle du Saccage, où les colonnes ont été « bombées » de peinture, il nous montre également les diverses réparations effectuées sur des stalactites et colonnes. Ce parcours doit fâcheusement se finir à un moment ou à un autre et c’est une trémie qui en marque la fin. TPST : 4h30
Nous avions prévu de faire rapidement à la suite, le gouffre du petit Siblot, mais nous restons un petit moment au parking, autour d’une collation, à écouter notre guide narrant les découvertes spéléo de la contrée, récentes ou plus anciennes. Féru d’histoire régionale, R. Brun nous tance malicieusement sur nos origines nantaises : « Si Charles VIII avait épousé Marie de Bourgogne et non Anne de Bretagne, la Franche Comté aurait été française et n’aurait pas été détruite lors de la guerre de 10 ans ». Ceci dit, Anne de Bretagne n’a pas eu le choix et nous autres bretons ne nous sentons pas pour autant responsables du malheur Franc-comtois.
Vu l’heure et sous les conseils de R. Brun, nous fouillons (en vain) les environs sous une lignée d’éoliennes pour trouver la doline amont des pertes de la rivière du Crotot. Puis nous irons à Ougney Douvot parcourir le sentier touristique des dolines. Celui-ci passe par le gouffre du petit Siblot. A défaut d’avoir fait cette classique également très concrétionnée, nous en aurons vu la grille qui protège son entrée étroite. Nous rentrons au gite en (presque) respectant le couvre-feu.
Pourpeplanté, Pourpemouillé
Sébastien et moi sommes impatients de retrouver ce beau réseau de Pourpevelle que nous avons déjà fait maintes fois. Pour ce dimanche de Pâques, nous sommes à moins de 10 km du gite ; nous interprétons que nous sommes conformes aux règles.
Mais après plus d’un quart de siècle, ma mémoire me fait défaut et par vanité ou davantage par envie de redécouvrir sur l’instant le terrain de ma première cavité sportive, je n’ai pas réétudié la topo. Donc en bas du puits sud, au lieu de passer sous le bloc à gauche, je m’enfile au plus évident, et reconnaissant visuellement les passages, j’entraine toute l’équipe dans ma progression.
Surprise ! Je ne me rappelais plus que, très vite, des passages bas nous obligeraient à des reptations dans l’eau boueuse. Nous sommes donc trempés dès le début. Après des galeries assez concrétionnées, le plafond s’abaisse nettement et le niveau d’eau monte à un centimètre du plafond. Je reconnais pourtant les lieux et de fait, j’y suis déjà passé mais Sébastien et moi commençons à nous interroger ; la galerie fossile dite « des voutes basses » aurait déjà dû être franchie et nous ne l’avons pas retrouvée. Fabrice retient Sébastien prêt à s’engager en apnée, Louise sort la topo et nous comprenons de suite où nous sommes : dans le réseau Ouest qui accède également à la rivière mais uniquement franchissable par temps sec. Je fais profil bas et nous faisons demi-tour. Revenus à la base du P40, et après avoir casse-croûté, nous abandonnons nos gros sacs de combinaisons néoprène alourdis par l’eau. Nous n’aurons plus le temps de faire Pourpelui2 et comme nous sommes déjà trempés, autant avancer le plus possible dans les belles galeries du réseau sud. Effectivement, cela donne rapidement dans de beaux volumes et des gours actifs recouvrent le sol. Les voutes basses sont franchies « en canard » et nous voilà dans la galerie des gours. Belle partie aquatique et ludique, il faut franchir les bassins soit en s’agrippant sur les parois, soit en opposition. A ce jeu, la taille de Bertrand le favorise par rapport à Louise et on entend à plusieurs reprises derrière nous un « plouf » retentissant : Louise a manqué la prise. Les bassins les plus profonds sont franchis en vire sur lesquelles les plus grands sont désormais défavorisés : leurs fesses trempent dans l’eau. Nous franchissions ces bassins autrefois, assis sur des chambres à air gonflées comme des bouées. Un peu plus loin c’est cette fois-ci à Sébastien que la mémoire fait défaut, il manque l’accès au P8 et entraine Bertrand avec lui. On les rappelle à la voix, ils nous rejoindront 20 minutes plus tard dans la galerie des marmites. Ces bassins cylindriques franchissables en opposition sont de toute beauté. Des gours ont été teintés par le guano. Fabrice, habitué à l’observation ornithologique nous fait remarquer la présence dans l’eau d’espèces beaucoup plus petites, des niphargus dont certains ont une taille supérieure à 1cm. La fin de cette galerie oblige à se tremper complètement et comme nous n’avons plus d’intérêt à nous engager dans les reptations qui succèdent et qui permettent de rejoindre les grandes galeries de Pourpelui 2, nous décidons alors de mettre un terme à notre expédition. Retour rapide vers la sortie, Fabrice déséquipe et nous sortons avant la tombée du jour. TPST : 8h30
Nous quittons tôt le gite lundi matin afin de faire un peu de nettoyage de matériel dans la vallée de l’Ognon sur le plan incliné de la base nautique de Villersexel. Nous aurons eu un temps ensoleillé pendant tout le séjour.
Conclusion : un programme assez tranquille et ludique avec trois belles classiques à dominante horizontale. Pas de regrets d’avoir choisi et retrouvé le Doubs.