Spéléo-Canyon Saint-Herblain

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Exploration dans le gouffre du Bois de Cerf

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Topo Bois de CerfRésumé de l’épisode 5
Au mois de mai, nous avions équipé une lucarne fossile. Mais le manque de corde nous avait contraints de stopper notre exploration à -60m dans le puits du Disque.

Episode 6
Début août nous voici de retour. Pour « économiser » du matériel, Thibaut a accepté la mission de déséquiper le puits de la Tirovire qui débute quasiment en face de la lucarne fossile et moi d’équiper le puits du Disque.

Je progresse jusqu’à la tête du puits. La corde de 27m est restée en place, bien lovée sous l’amarrage en « Y ». Mon baudrier est chargé de matériel d’équipement. Je déroule la corde et la passe dans mon descendeur. J’engage la descente à travers une jolie zone concrétionnée qui s’élargit rapidement. Un probable frottement de la corde sur la paroi m’oblige à placer une déviation fixée sur une concrétion. Une vingtaine de mètres plus bas je découvre les deux spits plantés précédemment par Fabrice, parfaitement positionnés pour installer un fractionnement sécurit et ajouter le nouveau tronçon de corde que j’ai apporté.

Cette fois j’ai pris large : une corde supplémentaire de 39m devrait aisément me permettre d’atteindre le fond du puits dont nous avons estimé la hauteur totale à 40m. Je passe le fractionnement et je continue lentement ma descente en savourant cet instant unique, cette chance de pouvoir faire de la première dans ce puits spacieux. Le passage de l’eau a sculpté des formes acérées dans le calcaire. Des lames étroites, des éperons pointent leurs tranchants vers le plafond. Ici il vaut mieux ne pas se frotter à la paroi.

Vingt mètres plus bas, j’accède au palier oblong que j’avais entrevu de loin lors de notre dernière incursion. Il est en pente sur quelques mètres et plonge vers le noir. Grâce à deux pendants placés juste au-dessus d’une échancrure, j’installe un fractionnement supplémentaire sur deux amarrages forés. Une déviation plus tard, la verticale se prolonge, toujours assez large, la corde file dans mon descendeur. Une plateforme de trois ou quatre mètres de longueur se présente, cette fois horizontale. Je reprends le perfo pour installer deux autres AF. J’ai consommé toutes mes ficelles en dyneema et quasiment tous les mousquetons et maillons stockés sur mon baudrier. Heureusement la fin du puits semble proche. Quatre mètres plus bas j’atterris dans une vasque d’eau claire de quelques centimètres de profondeur. Il ne reste que deux mètres de corde. Ce puits mesure donc environ 55m de profondeur. Chose étrange j’entends Thibaut au dessus de moi alors qu’il est censé se trouver assez loin dans un autre puits, nous pouvons même discuter ! Thibaut m’explique où il se trouve : « je suis presque en bas du puits de la Tirovire, sur le palier qui se prolonge par un goulot impénétrable ». Je regarde vers le haut, effectivement sur ma gauche j’entrevois une cheminée dont la partie supérieure qui m’est cachée pourrait bien être reliée à ce goulot.

Un haut méandre prolonge la base de la belle verticale que je viens de découvrir. Je me débarrasse de tout le matériel qui encombre encore mon baudrier pour m’engager dans un passage descendant étriqué. L’étroiture me comprime le torse, je force, ça passe. Je saute un petit ressaut de deux mètres. Me voici dans la partie basse du méandre que je parcours sur quelques mètres. Un peu plus loin en dessous de moi je découvre une ouverture resserrée qui ne laisse voir que les ténèbres. Ca ferait flipper la plupart des gens mais le spéléo n’a qu’une envie : se jeter dedans. Enfin, façon de parler car les parois sont argileuses et j’avance prudemment pour me positionner juste au dessus de l’ouverture. J’y lance trois ou quatre cailloux et boulettes de glaise qui sifflent en prenant de la vitesse puis percutent un lointain plancher une quarantaine de mètres plus loin avec un écho conséquent.
Ouah, on n’est pas venu pour rien !

Pour ne rien gâcher, le méandre se prolonge aussi devant moi et j’aperçois plus loin un autre trou noir mais il sera nécessaire d’équiper une vire pour savoir où il aboutit.
Je remonte les 55m et je retrouve Thibaut qui vient juste de finir le déséquipement. Le timing est parfait. Lorsque nous sortons nous retrouvons une partie de l’équipe qui revient de la désob. au fond du Bidon. Là bas les choses avancent moins vite que prévues mais le courant d’air qui maintient la motivation de l’équipe, est toujours présent. Les  combinaisons rouges des copains sont devenues laiteuses, couleur café au lait : le mondmilch et l’argile du Bidon mélangés à l’eau ont fini par les transformer en emplâtres.
Le soir le report topo nous confirme la proximité des deux puits où nous étions Thibaut et moi.

Le lendemain, le temps est magnifique, toute l’équipe part se détendre dans le canyon d’Errekaltia. Tous sauf un, l’irréductible Thomas qui pourtant n’est pas Breton, retourne seul continuer les travaux au Bidon, plus motivé que jamais. Une journée au soleil plus que sympa embellie par la bonne humeur de chacun.  (cf compte rendu de Charlotte).

Emplâtrage bidonesqueDeux jours plus tard, nous repartons dans le Bois de Cerf.
Pierre se charge d’explorer le puits dont l’accès se fait à -30m par une lucarne plus haute que large située dans le puits des Absents. Depuis plusieurs sorties nous passons devant cette ouverture mais pour l’instant personne n’a eu l’occasion « d’aller voir ». Je pars au fond avec Thibaut pour topographier le puits du Disque. Une fois les mesures et croquis  terminés je remonte vers Pierre. Tout son équipement est bio (traduction : tout en AF, avec des dyneemas). Il a fait ça bien comme d’habitude : une fois cette partie déséquipée il ne restera que des trous de huit quasiment invisibles.
Bon je continue sur ma lancée, pour moi ce sera une journée topo.

Cette lucarne perchée débouche au milieu d’un puits qui se poursuit vers le haut sur plus de 25m et vers le bas sur une dizaine de mètres. Je rejoins Pierre qui se trouve à sa base en train de terminer l’équipement d’un deuxième puits. La corde est ancrée sur deux lames. Tout en continuant la topo je descends ce puits de plusieurs mètres, je me retrouve sur un palier où nous nous abritions avec Thibault lors de la désob. des « Deux Yeux » (voir épisodes précédents). Nous avons bouclé, on s’en doutait un peu. Avec Pierre nous essayons de comprendre comment se sont créés tous ces puits parallèles, il est certain que plusieurs phases de creusement se sont succédé mais dans quel ordre ?

Nous décidons de déséquiper cette partie pour « économiser » du matériel.
J’escalade le ressaut de trois mètres qui clos le palier et me retrouve sur la vire d’accès à la lucarne fossile. Thibault est parti découvrir ce qui se cache derrière une autre lucarne placée deux mètres sous la tête du puits Du disque. On se rejoint dans la salle Pétunia. Il essaie de me pousser à faire la topo de cette partie mais l’heure de l’apéro se profile, j’ai déjà beaucoup de données enregistrées dans le Disto et il faudra du temps pour que chacun raconte ses aventures et ses premières, la soirée risque d’être animée et arrosée. Elle le sera. Le report topo attendra le lendemain matin.

Deux jours après. Nous nous retrouvons à pied d’œuvre dans le Bois de Cerf. Je pars avec Thibault faire la topo de ses découvertes. Allongés sur le dos nous traversons une lucarne très concrétionnée. En fait elle s’apparente plutôt à un court laminoir qui s’élargit rapidement. Je me retrouve en haut d’un ressaut de trois mètres qu’il faut désescalader. Thibaut m’accueille dans une belle salle très haute de 8 à 10m de long sur environ 4m de large. Plus loin un étonnant gour est rempli de coquilles d’escargots, presque toutes identiques, blanchies par le temps ou par le passage de l’eau. C’est étonnant car nous nous trouvons à environ 45m sous la surface. Au dessus une cheminée de vingt mètres de haut a du communiquer il y a longtemps avec l’extérieur, maintenant elle est complètement obstruée. Ce sera la salle des Escargots. A son extrémité, s’ouvre un puits d’une quinzaine de mètres que Thibaut a équipé. L’accès est un peu étroit mais en se contorsionnant nous arrivons à franchir l’obstacle sans difficultés. Le puits s’évase et se termine plus bas par deux petits méandres impénétrables. La topo de cette partie étant terminée, Thibault se charge de la déséquiper, pour « économiser » du matériel.
Pendant ce temps, Pierre, Olivier et Jean-Louis sont partis au fond du P55 afin d’installer une vire qui sécurisera l’accès au trou noir que j’avais entrevu deux jours plus tôt en pied de méandre. Un aménagement plus tard, le puits est accessible et c’est Pierre qui s’y engage le premier. Il est plein-pot. Je descends à la suite de Jean-Louis. Le puits est vaste, magnifique, en courbes parfaites, une splendeur. Il mesure environ 35m.

A quatre ou cinq mètres du fond, j’effectue un grand pendule tarzanesque pour aller voir un redan du puits, une sorte de baignoire géante protégée par un rempart de quatre mètres de haut qui finit en lames de couteaux. Heureusement je porte des gants. Au fond, un beau départ de méandre, hélas trop étroit pour descendre. Je rejoins les copains de l’autre côté, un autre méandre descendant, lui aussi étroit prolonge le puits. Encore une belle découverte. Une fois de plus, il ne reste qu’un mètre de corde disponible au fond du puits, nous l’appellerons le « Pile Poil ».
Pierre me fait remarquer que le courant d’air est ici imperceptible mais très présent en haut du puits et se dirige vers le fond du méandre situé 35m au dessus. Il se pourrait que la suite se trouve en haut. Nous remontons le puits et d’un commun accord choisissons de ne pas ôter la corde pour revenir prendre des photos. Tant pis pour l’«économie» de corde.

Explo dans le gouffre du Bidon
Thomas est venu sur le camp chaud patate pour poursuivre l’explo du Bidon. On en était resté au bas du P75 sur un méandre étroit qu'il a commencé à élargir un peu avant le début du camp. Il y travaillera quatre jours durant tantôt accompagnés par Jean Louis et/ou Olivier, parfois seul. Le méandre descend par saut, la progression débute en opposition assez haut pour enfin pouvoir atteindre le fond. Le mond-milch est omniprésent et nous marchons sur un sol très mou. Les précipitations de la semaine ont amené un petit flux d'eau et nos piétinements répétés dans la boue vont créer des obstacles qui provoquent une montée du niveau de cette boue liquide bien au delà de la hauteur de nos bottes. Les blocs des déblais sont positionnés pour aménager des pas qu’Olivier assimilera poétiquement aux Pas Japonais pour oublier un peu les conditions infâmes de ce chantier. Thomas est le plus souvent devant à l'élargissement, rampant dans cette soupe. Le courant d'air aspirant nous glace.
Nous alternons le travail en tête pendant que l'un ou l'autre se fait chauffer une petite soupe à l'arrière du front de taille. Nous avançons vite grâce à l'efficience de Thomas. Vingt à trente mètres sont ouverts, l’écho est désormais proche et enfin le dernier jour Thomas débouche seul dans un puits de 15 mètres mais sa corde est trop courte. La continuité est dans un coude où s'ouvre de nouveau une forme diaclasée. Il ne pourra pas vérifier si ce nouveau méandre est pénétrable. Il semblerait que qu’il descende encore. Donc : arrêt sur rien. Jean Louis et Olivier, tous deux handicapés d’un bras (Jean-Louis suite à son accident et Olivier pour avoir abusé de l'usage de la masse) n'iront pas plus loin. Dans le grand puits Jean Louis n'arrivera pas à s'accrocher à la paroi  pour créer un fractionnement. Il va installer un nouvel amarrage en tête plus décalé pour faciliter les pendules et retenter la prochaine fois de s'agripper. Attention, un bloc dans l'étroiture du gros méandre n'a pas glissé comme prévu (on passe en ramping en s'appuyant dessus) ce bloc est susceptible de tomber un jour.

Les deux derniers jours, nous découvrons et descendons de nouvelles entrées, P15 bouché, P9 bouché, P3 pas bouché mais étroit, seul ce dernier pourrait livrer une suite. Mais ça c’est pour se détendre.