En février, avec nos amis Limougeauds, nous avions poursuivi nos prospections à plus d’une heure de marche des dernières pistes qui montent dans les alpages, s’enfonçant plus encore dans la grande hêtraie des Arbailles. C’est dans cette zone montagneuse depuis longtemps délaissée par les forestiers que nous avons découvert (ou redécouvert) et descendu plusieurs gouffres de quatre à trente mètres de profondeur. En fin de séjour, une incursion dans le gouffre du Bois de Cerf avait aussi été menée afin de topographier le puits des Absents qui mène à -75m, point bas actuel de la cavité.
Fin mai nous voici de retour, cette fois en effectif réduit, la fatigue ayant eu raison de plusieurs d’entre nous avant même le départ. C’est donc à quatre que nous retournons dans la partie haute du massif pour continuer nos recherches et descendre les trous pointés cet hiver.
Dans deux grandes dolines à la végétation exubérante nous découvrons plusieurs nouvelles entrées verticales et difficilement accessibles. Une longue ouverture de dix mètres par un, probablement un ancien méandre dont le toit a disparu, se trouve dans le fond de l’une d’elle. La cavité est ouverte sur l'extérieur et le puits d'accès de quatre mètres donne sur le fond de cette ancienne galerie. Au pied du puits et quelques mètres plus loin s'ouvrent en paroi deux petits méandres impénétrables et ventilés. Nous observons un intéressant phénomène de convention qui crée un courant d’air glacial refroidissant de manière étonnante le fond de la doline. De ce fait les petits conduits qui s'ouvrent dans la cavité et ressortent à l'extérieur sont soufflants. Cela nous laisse à penser que quelques mètres de dénivelé peuvent facilement engendrer un courant d’air qui n’est pas révélateur d’une cavité intéressante.
A la suite de cet intense effort d’observation et de réflexion il nous apparait évident que le trou souffleur découvert en février, dont nous avions ouvert le passage et qui souffle encore son air froid fin mai, n’est surement pas intéressant car probablement relié à un point haut.
La suite va se dérouler dans le gouffre du Bois de Cerf avec la topographie du puits de la Tirovire (P35), accessible par une longue vire qui se transforme en tyrolienne en cours de progression. Ce type d’équipement n’étant pas dans le manuel du parfait petit spéléologue, Jean-Louis lui a trouvé un nom.
Au fond de ce puits nous découvrons un petit méandre impénétrable dans lequel Fabrice pousse des cris, espérant une communication avec Pierre situé à -75m en bas du puits des Deux Yeux. Seule une partie de Morse en tapant contre la roche avec le marteau à spits montrera que nous sommes proches de lui.
En milieu du puits des Absents, nous rééquipons l’accès à la lucarne fossile qui se poursuit, après une chatière, par une petite salle concrétionnée. Au fond de celle-ci une petite escalade facile à travers une fente permet d’accéder à une autre salle, joliment décorée : en levant les yeux on découvre une concrétion circulaire horizontale qui se prolonge vers le bas par une série de draperies. C’est un disque de calcite, une forme assez rare qui se forme lorsque l’eau sort sous pression par une fissure.
Sur le bord de la salle, un nouveau puits s’ouvre devant moi. Je m’empresse de l’équiper avec Jean-Louis comme conseiller. En descendant de deux ou trois mètres et en regardant à travers une nouvelle lucarne fossile j’aperçois un peu plus loin un trou noir qui pourrait bien être un autre puits. Décidément ce gouffre est plein de surprises. On verra ça plus tard car pour l’instant je suis suspendu au dessus du puits. J’estime sa profondeur à environ 25m. Avec une corde de 27m ça risque d’être juste. Heureusement j’ai fait deux nœuds à l’extrémité, on ne sait jamais…
Je pose une dèv. sur une stalagmite et je descends dans ce nouveau puits. Après la zone d’accès concrétionnée, le paysage change complètement : les parois verticales sont lisses, lessivées par l’eau qui a créé ce vide.
La corde frotte légèrement sur un bombement de la roche. Je continue sur quelques mètres et je m’arrête, bloqué par le premier nœud. Sous moi il reste une dizaine de mètres à descendre pour mettre pied sur un palier. Je vois le puits qui continue à travers une ouverture oblongue située plus bas. Retour au cayolar.
Le lendemain j’effectue la topographie de la partie découverte la veille. Nous avons apporté deux bouts de corde pour filer au fond du puits. Malheureusement la pose de deux fractionnements et la descente d’une partie du puits consomme toute la longueur. En fait le puits est plus profond qu’estimé et d'après Fabrice il doit bien mesurer 40m.
Tant pis la suite sera pour cet été.