La cuvée 2018 est caractérisée par une activité canyon continue en première semaine et de nouvelles découvertes spéléologiques presque aussi continues en deuxième semaine.
Un camp en apparence complètement satisfaisant s’il n’y avait eu l’accident qu’a connu Jean-Louis lors de la première journée du camp.
L’accident
En ce premier week-end, Jean-Louis accompagne Solène et Vincent - décidemment malchanceux (cf. récit de l’année dernière) - pour effectuer les derniers relevés topo dans les puits de la Vitelloise, au fond du GA306 à -450m. Lors de la montée sur corde dans le premier tronçon d’escalade un bloc se détache pour venir se fracasser sur le bras gauche de Jean-Louis. Celui-ci n’ayant plus la mobilité de son bras, l’équipe décide de remonter en auto-secours plutôt que de déclencher une opération du SSF qui aurait été inévitablement très longue à cette profondeur. Pour éviter une aggravation de l’accident Vincent et Solène confectionnent une attelle avec un kit. Des palans sont installés pour permettre le passage du blessé dans tous les endroits délicats. Douze heures plus tard la surface est atteinte, il est 4h du matin. Au cayolar, Christophe est réveillé pour conduire le malheureux à l’hôpital d’Oloron.
De manière fortuite, il est pris en charge par une infirmière qui est spéléo et fait partie du SSF. Résultat : humérus fracturé et déplacé. Il faut saluer l’efficacité de Solène et Vincent qui ont œuvré à la réussite de ce sauvetage et le courage de Jean-Louis qui ne s’est jamais plaint et dont c’est le premier accident en plus de 35 ans de pratique.
Cela doit nous rappeler que le risque premier en exploration reste la chute de blocs instables.
Jean-Louis, le bras immobilisé restera néanmoins épisodiquement au camp, sa défection va nettement freiner l’activité spéléo pour cette première semaine au grand dam de Thibault C. Il accompagnera Pierre qui inexorablement creuse la voie vers le puits pressenti dans le gouffre du Bois du Cerf et s’adonnera par défaut à l’activité canyon.
Activité canyon
Ce camp d’été a débuté le vendredi soir sous les nuages et l’humidité bien connus des habitués. Philippe et Christophe, nos vieux briscards qui foulent depuis longtemps les terres Arbaillaises sont descendus les premiers pour ouvrir la boutique. Thibault C. qui commence lui aussi à être un habitué, Jean-Alain et Charlotte, pas froid aux yeux, qui partaient pour leur baptême du feu aux Arbailles les ont rejoints plus tard dans la soirée.
Mis à part Thibault venu avant tout pour l’explo mais pas frileux à l’idée de partir dans un canyon, l’objectif est clair pour le reste de l’équipe, on est venu manger du canyon et s’il y a une chose à retenir : on n’a pas chômé !
Nous partons le Samedi à 4 vers Oilloki, Thibault ayant décidé de passer une journée « off » au cayolar. L’envie est là mais la motivation s’amenuise au fur et à mesure que nous approchons du point de départ. La météo n’est pas au beau fixe : humidité et froid, rien de très engageant pour un canyoneur. Néanmoins bien décidés à débuter notre semaine dans le dur, nous nous changeons et partons affronter Oilloki. Une sortie idéale pour se mettre en jambe avec un débit sympathique. On s’amuse, on saute et la dernière cascade se termine par les protestations (cris) de Charlotte à la vue d’un nœud à passer en bas de la corde ! Philippe et Christophe avaient prévus leur coup en douce et Jean-Alain en est devenu complice. Tout s’est bien terminé puisqu’elle a enfin réussi à faire ce maudit passage de nœud grâce aux conseils et à la patience de Christophe, le traitre du jour ???? Retour par les gorges de Kakuetta et à la sortie, on s’arrête évidemment pour clore cette journée canyon -comme les prochaines- autour d’une bonne bière basque ; on fait marcher l’économie locale et Modération était de la partie bien sûr !
Retour au cayolar dans le nuage et sans électricité mais pas sans la bonne humeur. Jean-Louis, Vincent et Solen ne sont pas encore rentrés de leur journée photos, leur retour est prévu dans la nuit.
Le Dimanche matin un soleil radieux (et le son des cloches) nous réveille. Le programme de la journée a été fixé la veille, le départ ne doit pas être tardif mais pourtant, Christophe habituellement matinal ne sort pas de sa tente. Après un long moment d’attente Philippe décide d’aller le réveiller et, surprise, Christophe n’est pas là ! Gros moment d’inquiétude, on l’appelle et on apprend que Jean-Louis a eu un accident lors de la sortie. Résultat : fracture de l’humérus et opération dans la journée.
Changement de programme pour l’équipe sur place qui décide de faire une sortie courte et départ donc vers la Bidouze. Première expérience sous terre réussie pour Jean-Alain et Charlotte. Un débit correct, de belles concrétions… la journée n’était pas perdue. Retour au bercail où nous retrouvons Christophe, Vincent, Solen et accueillons Pierre et le groupe électrogène (on s’était presque habitués aux soirées à la bougie).
Lundi matin, nous partons en direction de la vallée d’Ossau pour descendre le Bious-Gabas. Canyon esthétique et ludique qui a l’avantage d’être court, ce qui nous permettra de passer par Oloron à la sortie faire un petit coucou à Jean-Louis. Thibault et Pierre partent de leur côté vers le bois de Cerf pour une journée déblayage.
Puisque nous sommes avant tout un club de canyon et de spéléo, le camp d’été est idéal pour switcher les activités surtout quand, dans l’équipe, il y a deux débutants spéléo intéressés pour une petite descente dans les profondeurs. Après de nombreuses discussions, c’est Bexanka qui est désignée comme la cavité parfaite pour une initiation mardi : des grandes salles, des concrétions mais une remontée de 70m qui pose quelques interrogations… Et oui le canyoneur ne remonte pas habituellement, c’est donc un beau challenge !
Philippe n’étant pas de la partie, Christophe et Thibault encadreront la sortie de Jean-Alain et Charlotte. Bexanka a apporté entière satisfaction : des beaux volumes, du calme, des concrétions dont la forme paraît surnaturelle pour un œil non averti et cette remontée finale pas si compliquée à gérer ! Un gros plus pour le déjeuner passé à écouter Thibault jouer de l’harmonica. Avant de rentrer, un petit détour aux sources d’eau chaudes.
Mercredi, Thibault et Pierre repartent au bois de Cerf et les canyoneurs décollent vers la vallée d’Ossau direction le célèbre Soussoueou qui, après deux années où il était impraticable, est désormais aussi propre qu’un sou neuf grâce à un hiver particulièrement pluvieux et à des crues qui ont tout déblayé sur leur passage. Jean-Louis nous accompagne, il en profitera pour découvrir les environs. Guillaume, un collègue de Charlotte de Pau prend part à la descente et sa connaissance du canyon nous aura été précieuse. Ce fut un plaisir de retrouver ce canyon, ça saute et « toboggone » partout dans de l’eau cristalline et plutôt bonne. Jean-Louis nous accueille au bas du canyon et nous partons tous ensemble aux eaux chaudes arroser cette superbe journée. Retour au cayolar où nous retrouvons nos deux compères spéléo rincés de leur journée. Plus tard dans la soirée, Yohan un deuxième collègue de Charlotte du 64 également nous rejoint pour passer la nuit sur place en prévision de notre programme du lendemain et quel programme ! C’est le canyon inscrit sur la check-list de chacun des canyoneurs présents : le Larrandaburu. Un canyon vertical et technique car présentant une cascade de 100m. On en discute depuis le début du séjour, on est prêts, il n’y a plus qu’à y aller !
Nous débutons cette sortie par une marche d’approche de 45min sur une piste de quoi apprécier le paysage qui s’offre à nous le ciel étant complètement dégagé. Les premiers ressauts ne posent pas de difficulté, le canyon est sec, les vasques commencent à croupir… moyen mais on est là pour quelque chose alors on continue et nous apercevons enfin cette fameuse cascade que nous attendons tous. Le temps de se répartir les tâches et de peaufiner les derniers réglages, Christophe part en tête. Le pendulaire ça le connait et il va chercher avec brio l’amarrage de départ. On descend chacun notre tour et à l’arrivée, on lève la tête et on est époustouflés par la vue. Nous sommes au milieu d’un très joli cirque d’où l’on aperçoit un morceau de ciel bleu, une brise chaude souffle sur nous, il manque vraiment d’eau par ici… De l’avis de tous le reste du canyon n’est pas d’un intérêt remarquable, surtout à sec. Nous sortons dans les gorges de Kakuetta direction la douche sous le regard amusé des badauds puis nous partons nous hydrater au repère habituel. Une pensée pour Jean-Alain pour qui la journée a été éprouvante… Mais comme on dit : ce qui se passe dans le canyon reste dans le canyon !
Après le départ la veille de Pierre, nous retrouvons un Thibault déçu de ne pas avoir de collègue pour descendre dans le gouffre des Gégènes mais néanmoins ravi de nous accompagner pour descendre le canyon Phista en forme au niveau du débit.
Nous avons pu lui apprendre les bases de l’équipement en canyon et il aura eu le courage de sauter la dernière cascade de 10m ! Pour les autres une corde réglée au ras de l’eau -3m (Philippe et Charlotte ont des bonnes idées parfois) était bien suffisante pour s’amuser. Les plus couche-tard d’entre nous accueillent Olivier sur le camp. Décidé à canyoner avec le groupe il sera de la partie les deux journées suivantes.
Vendredi, dernière sortie canyon pour Thibault et Jean-Alain qui quittent le camp le lendemain. Le canyon du jour est Ourdaybi, esthétiquement beau mais malheureusement très encombré. La plupart du temps nous avons joué au Mikado en croisant les doigts pour que tout ne s’écroule pas sur nous… Une marche de sortie un peu longue mais avec de jolis encaissements, tout le monde est content c’est le principal. Même Jean-Alain abandonné en haut d’une cascade ! Ce qui se passe dans le canyon… On peut dire maintenant qu’il a été suffisamment bizuté non ?
Avant le départ de nos deux collègues, nous décidons d’aller diner à l’Auberge d’Ahusquy.
Le lendemain départ à l’aube pour Jean-Alain, Thibault et Charlotte qui les dépose à leur lieu de rdv. C’est l’occasion de changer de vallée et de tous se diriger vers la vallée d’Aspe méconnue de tous. Quelle surprise en arrivant au point de chute ! Nous nous arrêtons sur le plateau de Sanchèse, lieu époustouflant ! La vue est superbe, les montagnes sont bien différentes de ce que nous voyons depuis une semaine et la dernière cascade du canyon qui se présente devant nous présage une descente un peu engagée.
C’est avec ces éléments prometteurs et après un bon déjeuner que nous partons vers notre destination : le Sharrumbaut d’Anaye. Après une jolie marche d’approche, on se change et on attaque. Pas de difficulté particulière mais de l’eau tout de même, on se fait un peu remuer sur la superbe cascade de 45 m et bien arroser sur les suivantes mais nous somme récompensés par la vue panoramique sur le plateau qu’offre ce canyon. Une dernière cascade devant un public dont Jean-Louis qui nous attend et voilà que se termine sans aucun doute et à l’unanimité le plus beau canyon de notre séjour. On a le sourire jusqu’aux oreilles de l’avoir fait, fiers de notre découverte et on part tous ensemble fêter ça à Lescun avant un retour au cayolar où nous retrouvons Pascal qui entame son séjour aux Arbailles.
C’est bientôt l’heure du départ pour Philippe et Charlotte, l’occasion de faire un dernier canyon le Lundi. Le choix se porte sur Althagneta réclamé et sur-réclamé par Charlotte toute la semaine. Pas de regret à l’arrivée, un canyon qui contrairement aux habitudes avait de l’eau, des températures parfaites à l’intérieur ce qui n’était pas le cas à la sortie… En plein pic de canicule la marche de retour à travers les gorges de Kakuetta a été rude… On clôt cette journée selon le rituel à la sortie des gorges et on prend notre temps pour faire le bilan du séjour et parler des sorties 2019.
Retour au cayolar pour un dernier diner tous ensemble.
De nouvelles découvertes
Cette deuxième semaine, malgré le faible effectif spéléo nous menons plusieurs désobstructions et explorations de front dans trois cavités.
Dans les Gégènes, une fenêtre météo nous permet, Olivier et moi, de descendre au fond du P85, dit Le Tube, découvert en mai. Je m’attelle à l’équipement du méandre étroit qui part à la base du puits. Ma position est instable, du genre patinage vertical, car une épaisse couche de mondmilch recouvre les parois. Après avoir installé une tête de puits sur deux spits - restons dans les règles - je descends un nouveau et un beau P35 que nous nommerons : la Nouvelle Héloïse. En bas j’aperçois le scintillement de l’eau et j’annonce précocement à Olivier mon impression d’une rivière qui coulerait dans ce qui semble être une lucarne. En fait il n’en est rien, ce puits se dédouble bizarrement à sa base en deux petites verticales assez larges. Concrétionnée la partie avale se termine par deux petits méandres superposés, l’un fossile, l’autre actif, difficilement pénétrables mais légèrement ventilés. Dans la partie amont, l’eau qui arrive d’un étroit ressaut s’évacue par un étonnant soupirail de 20 cm de hauteur situé à ras du plancher. L’eau devrait résurger dans le puits aval tout proche mais étrangement ce n’est pas le cas. Nous cogitons : la galerie perchée des Typas étant bien plus ventilée, la suite est peut-être à chercher dans les fossiles supérieurs ?
Quoi qu’il en soit nous avons atteint la profondeur de -330m.
Dix heures sous terre et deux heures de marche d’approche chargés comme des mulets, notre camp spéléo commence très fort pour nous deux. Notre arrivée au cayolar était prévue pour minuit, nous arrivons à 0h40. Autant dire que nous sommes à l’heure.
Le Bidon1 est entièrement ré-équipé pour éliminer les frottements de la corde et sécuriser les passages le plus exposés. Certains penserons que c’est du luxe mais la mésaventure de Jean-Louis nous incite à faire un équipement tip-top, accessible aux moins expérimentés. Olivier en profite pour élargir l’étroiture du méandre. Pour les nostalgiques des configurations originelles, ne vous inquiétez pas, il reste une chatière perchée du type « suppositoire » qui fait encore râler les plus pressés. Au fond de la cavité, je mets en place un grand « Y » qui autorise la descente d’un nouveau et joli P8. Celui-ci se prolonge par deux banquettes montantes qui ont été sur-creusées par le passage de l’eau en un méandre de quelques mètres de hauteur et de longueur. A l’extrémité de celui-ci, on entrevoit la tête d’un nouveau puits estimé à une cinquantaine de mètres d’après le jeté de quelques cailloux et l’écho important qui nous revient dans les oreilles. Nous faisons quelques photos dans une jolie baignoire perchée, concrétionnée, de deux mètres de profondeur malheureusement sèche. Dans un instant de rêverie, je m’imagine dans un bain moussant géant qui serait le plus exceptionnel des jacuzzis.
Le lendemain Thomas, toujours aussi rapide et efficient, prend la désobstruction en main, et en une journée et demi la tête de puits est accessible. Pendant ce temps, Olivier et moi continuons de casser des cailloux dans le Bois de Cerf qui lui aussi sent bon la première.
Le surlendemain, retour au Bidon1 pour descendre cette nouvelle verticale. Confiant dans la prévision horaire de Thomas - qui se révèlera parfaitement exacte - quand à l’ouverture du puits, je suis le seul à avoir pensé à la corde. J’ai choisi large : une corde de 77m pour descendre 50m devrait suffire. Mais en jetant la corde, Thomas me fait remarquer qu’il ne semble pas qu’elle ait touché le fond…
Je descends plein gaz dans un large puits aérien, mais le fond tarde à arriver. Je mets enfin les pieds au sol et m’enfonce dans 30cm de boue. Après avoir libéré la corde du descendeur, il ne reste que deux mètres avant le nœud de sécurité. Ce puits mesure donc environ 75m ! Encore une belle première. Ce sera le puits des Bras Cassés.
L’eau qui est retenue dans cet ancien gour devenu boueux, s’écoule par un incongru méandre ‘mondmilcheux’ qui fait un ‘S’ prononcé. En passant par-dessus, on peut apercevoir une suite.
Le lendemain, pendant que Thibault poursuit la topo en partie haute et que Hélène visite la cavité, Thomas élargit une étroiture et s’engage dans ce méandre étroit en partie basse - configuration classique des Arbailles - mais qui semble cependant se prolonger en hauteur par un fossile dont l’accès promet une escalade dans le mondmilch…
Côte atteinte : environ -110m.
Retour au cayolar pour raconter nos nouvelles découvertes, contents comme des gamins qui ont fait leur première découverte.
Les deux derniers jours dans le Bois de Cerf l’activité minière initiée par Pierre en début de camp est poursuivie par Olivier, Thomas venu en renfort et moi même. Un grand puits (mais oui encore !) semble se profiler à l’horizon de l’amas de blocs qui encombre encore le méandre. Mais ce sera pour la prochaine fois, il faut en laisser aux copains.