L’arrivée d’une tonne de boulets de charbon dans le camion d’Alain nous met immédiatement dans l’ambiance - nous sommes bien au cayolar où la bonne humeur côtoie l’inattendu, l’extraordinaire et le n’importe-quoi : c’est aussi pour ça que nous venons.
Betty, perchée sur la benne, dirige les opérations de haut, remplit et distribue les seaux à la partie masculine du groupe. Pendant que certains ironisent sur l’aspect polluant du charbon dans une zone Natura2000, les forts en bras descendent le nouveau poêle - à charbon - lui aussi récupéré. Il ira remplacer l’ancien jugé obsolète.
Je l’aimais bien pourtant. Avec son côté désuet, il collait avec le style hétéroclite de la déco du cayolar. Le nouvel arrivé ressemble plutôt à un lave-linge. Au moins il est blanc, ça fera plus propre.
Contrairement à cet été où nous étions venus en force, nous ne sommes que trois Nantais noyés dans un groupe d’une dizaine de spéléos venus pour la plupart de Limoges.
IH10
Comme prévu, direction l’entrée du gouffre IH10, retrouvé cet été par Pierre et son fils. La marche d’approche est assez longue mais pour une fois facile. Nous traversons un haut et grand chaos rocheux. Une centaine de mètres plus loin nous retrouvons l’entrée grâce au GPS.
Belle ouverture. Nous descendons le puits de 20 m mais l’accès au ressaut qui donne dans la salle est défendu par une étroiture verticale. Fabrice s’y engage mal, son casque se coince, Jean-Louis est obligé de lui défaire sa jugulaire et lui enlever le casque. Ca finit par passer. Ayant observé où passer la tête Jean-Louis le suit moins difficilement. Pour ma part, je ravale mon envie de m’enfiler dans le passage, handicapé par une épaule en rééducation. Mes co-équipiers visitent la grande salle où il ne semble pas y avoir d’espoir de continuation évidente. La sortie par l’étroiture s’effectue plus facilement qu’à la descente.
En revenant, la nuit qui commence à tomber, ne nous empêche pas de fureter dans la forêt à la recherche de nouveaux trous. On en découvre un, en partie obstrué par des racines et des feuilles. Un travail de sangliers enragés s’engage. Les racines ne résistent pas devant notre détermination de début de camp.
Après un élargissement rapide nous descendons, Fabrice et moi, dans un méandre de quelques mètres de longueur dont le toit formé de blocs effondrés, de branches et de terre semble tenir par l’opération du Saint-Esprit. Pas de suite.
Retour au cayolar où la soirée est animée. Alain a préparé une de ses spécialités glanée dans les pays lointains, faite de harengs, patates, betteraves, oignons et mayonnaise. Tout le monde en redemande. Au dessert la discussion porte sur le stockage du charbon : faut-il ou non protéger les boulets (nous ?) des intempéries. Question essentielle de survie pour cet hiver, on s’en doute. Chacun y va des souvenirs de ses parents et de ses grands parents qui eux savaient ce qu’on a fini par ne plus savoir. Les deux thèses s’affrontent à grand renfort de cubis de vin. La soirée s’éteint avec le groupe électrogène en panne d’essence.
GA1
Olivier et Jean-Louis veulent poursuivre la première de cet été.
Personne ne veut les accompagner ou plutôt personne ne peut les accompagner ! La première étroiture se passe sans casque, sans baudrier et mesure 25 cm de hauteur, elle est donc réservée aux limandes et aux anguilles…
Jean-Louis raconte : « nous avons été obligé de tendre une corde dans l’étroiture pour pouvoir passer les kits longés sur la corde car ne pouvions ni les tirer ni les pousser. Heureusement la suite était plus large, nous avons équipé les deux escalades en fixe et arrivé au terminus de la dernière explo, j’ai pu descendre le puits de dix mètres. Malheureusement il est complètement bouché. »
Et cette fois pas de courant d’air et donc pas de possibilité de voir où est la suite.
Malgré mon insistance, personne n’a voulu y retourner faire la topo !
GA56
La désob suit son cours. La première séance, j’agrandis deux étroitures dans le méandre infernal avant le P17. La deuxième nous filons au fond avec Fabrice et Thomas pour déblayer et attaquer la suite. Avant l’attendrissement final, mon bourroir tombe au fond du méandre interdisant l’élargissement programmé. Et m… !
Nous sommes obligés de retourner chercher du matériel au cayolar. Plus dans l’action que dans la réflexion, nous sortons du gouffre et remontons les cents mètres de dénivelé dans la forêt. Au bout de vingt minutes de marche, j’aperçois Philippe et son amie venus rejoindre les explorateurs du GA1. Les neurones se reconnectant, il me vient à l’idée qu’un bourroir peut se faire avec un morceau de branche, ça tombe bien nous sommes dans une forêt et Philippe, plus qu’amusé de nous voir dans cet état de délabrement mental, a même un couteau pour les tailler. Nous en fabriquons une bonne dizaine, il y aura de quoi bourrer. Thomas et Fabrice en pleine forme redescendent la pente pour finir mon boulot inachevé au fond du trou. Pour ma part j’abdique.
Retour au cayolar où Alain a déblayé le grenier pour y mettre une couche d’isolant en prévision de l’hiver. Il a sorti une tente à arceaux dévorée par les loirs. La tente est complètement ouverte sur un côté, la chose est cocasse et nous hilares. C’est sûr, elle ne pourra plus servir. Par contre les arceaux en fibre de verre ont juste le bon diamètre pour faire des … bourroirs.
Le lendemain.
Persuadé que nous allons faire de la première, j’emmerde la troupe pour prendre des spits, goujons, cordes, mousquetons. Arrivés en bas, ça passe ! Sur cinq à six mètres. Mais le méandre fait un « S » prononcé impénétrable. Il faut encore élargir. J’entends mes camarades railler : « tout ce matos pour rien ». Pour finir je me coince dans le méandre sous les quolibets de mes co-équipiers.
D’accord. On attendra de voir le puits avant de descendre de l’équipement.
Gégènes
La sortie est programmée depuis cet été, il faut aller voir une grosse lucarne dans un grand puits à -160m. Avec une goutte d’eau et deux pendules exécutés à partir de la tête de puits, Fabrice et Jean-Louis atteignent la lucarne. Suit un bout de méandre et un puits de 10m qui ne débouchent pas. Il restera la topo à faire et peut-être un petit passage à voir.
HE1
L’équipe des Limougeots fait aussi de la désob à la Cantinière. A la dernière sortie Roger avait découvert et descendu un puits de 50m à -100. Malheureusement fermé. La présence d’un courant d’air aspirant dans le méandre qui donne dans le puits des Boyards, permet d’espérer une suite. Mais une série d’étroitures parsèment le chemin qui mène au fond à -145. On comprend pourquoi les précédents explorateurs ont laissé tomber. Encore un chantier en cours.
Je finis le séjour en faisant de la prospection dans la forêt avec Thomas qui est étonné de voir autant de gouffres et grottes. Il descend les trous découverts avec Jean-Louis quelques jours auparavant. Pendant ce temps je fais mon travail de gratte-papier, pointant au GPS et décrivant les entrées et cavités pour compléter l’inventaire du massif.
Merci à mes co-équipiers qui m’ont aidé à porter mon matériel dans pendant les sorties.