Juin 2011, un nouveau -200 m dans le massif des Arbailles

Jean-Louis, Pascal
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Puits de la colonneLe grand week-end de l’ascension a rassemblé neuf spéléos du SCSH et deux invités du GSR dans notre repère du cayolar Lucugne. C’est encore la poursuite de l’exploration du Gouffre des Gégènes qui nous motive.

Dès le mercredi, en fin d’après-midi, nous sommes à –100 m au bas de l’escalade commencée au mois de mars. Quatre goujons plus tard, nous constatons malheureusement que le beau méandre entrevu est entièrement bouché par des blocs calcités. Vue l’heure tardive nous laissons le matériel pour l’équipement du puits de 25m situé juste en dessous et remontons un peu déçus. Le reste de l’équipe arrive entre minuit et deux heures du matin.
Le jeudi, dans les Gégènes,  j’entraine avec moi quatre homo-spéléus pour poursuivre l’exploration du réseau des Typas et revoir les ouvertures des deux  méandres délaissés la veille dans le P25. Déception provisoire : même revus et corrigés à la masse ces derniers  résistent et s’avèrent impénétrables.

La découverte d'un vaste puits.

Un espoir demeure : avant le premier palier, Pascal avait repéré une ouverture, et en pendulant sur sept mètres vers cette suite hypothétique, je parviens à entrevoir le départ d’une courte galerie d’une dizaine de mètres qui s’ouvre sur un autre puits. Un écho impressionnant indique avec certitude la présence d’un gros volume et le bruit de l’eau est perceptible.
Bingo, la suite imaginée, théorisée, conceptualisée est bien par là !

Avec Fabrice, nous remontons à la vitesse du son pour colporter la bonne nouvelle à l’équipe en train de désobstruer le gouffre des Lumières. De retour avec un perfo et une C42, le ventre plein, nous attaquons l’équipement. Le choix de l’emplacement des amarrages est rendu difficile par une paroi couverte d’une vieille calcite très dégradée. Nous équipons le puits, la corde titille le fond mais elle est trop courte, nous apercevons une vasque d’eau. Retour à la surface.

A l'extérieur, l'accès au gouffre des Lumières s’est agrandi par la force des désobstructions : deux puits de dix mètres permettent d’atteindre un haut méandre ventilé mais … impénétrable. Dommage. Il semble que les Lumières doivent bientôt s’éteindre. Nous soupçonnons une relation entre ce gouffre qui aspire et le GA401 qui souffle et qui est situé soixante mètres plus loin.

La journée a été riche en découvertes et de retour au cayolar nous faisons péter les bouchons, ratant le blafard néon de la salle à manger qui en réchappe de justesse, tapant allégrement dans la réserve des grands crus, engloutissant par la même occasion une bouteille de Pomerol déjà entamée, laissée là par on ne sait qui. Deux jours plus tard, nous apprendrons qu’un Américain séjournait dans le cayolar pour y apprendre le dur métier de berger. Very sorry for the wine, the noisy team of French cavers was here…

Une topographie déchirante.

Vendredi, la topographie du méandre amont du GA1, souvent reportée par manque de volontaires, est inconsciemment entreprise par Olivier, Stéphane, FLB et Jérôme, totalement ignorants des difficultés de progression dans la cavité. Après la zone des puits, celle-ci se poursuit sur plus de 150 m dans un méandre étroit et agressif, transformant les combinaisons en guenilles. Les perspectives de continuation de ce côté sont cependant faibles car la surface est trop proche et le plancher de la galerie remonte. Seule la désobstruction, au fond du puits terminal, d’un boyau colmaté par de l’argile laisse un mince espoir.

Au gouffre des Gégènes, Pauline, Nathaniel et Karim visitent la Galerie des Puits, à l’amont,  jusqu’à l’escalade terminale.
Pendant ce temps, Fabrice et moi poursuivons l’équipement du puits de 25 m commencé la veille : nous mettons les pieds dans une vasque. L’eau qui ruisselle sur la paroi de gauche provient du méandre actif supérieur. En paroi de droite, au delà d’un court méandre actif, un immense vide s’ouvre encore devant nous ! Mais le dernier ressaut du méandre doit être équipé et je dois penduler, m’agrippant comme une araignée à la paroi, à six mètres du fond pour atteindre le palier donnant accès à la deuxième partie du puits.

Nous explorons deux voies : la descente de dix mètres qui nous conduit au fond du puits vers l’actif qui se perd dans une fissure impénétrable et l’accès à un autre méandre fossile et argileux à mi- paroi du puits que nous atteignons par un nouveau pendule.

Matthieu et Vincent nous suivent en faisant la topographie, ils vont aussi déguster leurs gorgées de première : après environ dix mètres dans ce méandre glaiseux qui englue les cordes, s’ouvre un nouveau puits de trente mètres… Puis après une courte escalade de trois mètres, ils s’arrêtent par manque de matériel en haut d’un puits de huit mètres.

Une première mémorable.

Le samedi, Olivier et Fabrice S. équipent et topographient le Gouffre des Lumières pendant que Vincent emmène un groupe visiter le Gouffre Betchanka.

Je continue l’exploration des Gégènes avec Pascal qui rééquipe le méandre glaiseux, suivis plus haut par Pauline et Nathaniel. Le P30 se termine par une superbe colonne sculptée par l’eau qui a dédoublé sa base. Nous rééquipons l’escalade de trois mètres en fixe et descendons le P8. Au fond de ce puits, nous découvrons une étonnante ouverture, dite « passage du facteur », qui permet d’entrevoir un autre puits où ruisselle l’eau d’une cascatelle arrivant de la paroi de gauche. Après l’équipement d’une courte main-courante, il ne nous reste que deux goujons… qui suffisent tout juste pour descendre un magnifique P25 dont la paroi est tapissée de choux fleurs et de piles d’assiettes. On retrouve l’actif qui se perd dans un méandre, une fois de plus trop étroit pour permettre le passage. Ce puits est vraisemblablement arrosé en cas de pluies.

Un trou béant.

En remontant dans le P40, nous repérons une grande lucarne, comme une arche placée là, au milieu de la paroi de ce large puits. Les hypothèses vont bon train quant à la possibilité d’une suite derrière cet incroyable trou noir. Puits parallèle ? Départ de galerie ?
Espérant défier les lois de la pesanteur, Pascal essaye un ridicule pendule qui le fait tourner en rond sur une dizaine de mètres dans le vaste espace du puits mais qui ne permet pas d’atteindre l’antre convoité, situé beaucoup trop loin. En remontant, il repère encore un départ de fossile dans la partie haute du Puits de l’écho, espoir de futures découvertes.

Après une rapide évaluation et même si la topographie des puits n’est pas terminée, nous pouvons affirmer que le gouffre des Gégènes dépasse maintenant les moins 200 m. Le GA1 atteint un dénivelé de plus 100 m et développe sur 340 m, qui l’aurait cru ? Et le gouffre des Lumières atteint modestement les -30m.

Un camp très productif qui à permis à nos deux nouvelles recrues, Stéphane et Fabrice LB, de découvrir la spéléologie dans toute sa diversité : désobstruction, exploration, topographie, classique, sans parler de l’ambiance partagée le temps d’une soirée avec Olivier D. et un copain basque. Il faut croire qu’être treize à table, ça porte chance !

A suivre…cet été.