Camp d'été 2014

Pascal Mathellier
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CanyonLe camp d’été sur le massif des Arbailles a connu un franc succès cette année et a duré exceptionnellement trois semaines.
Les acharnés des glissades ont descendus cinq canyons du Pays Basque : Oilloki, Arzubia, Phista, Zitziratzé et Bidouze. En spéléo, visites et explorations se sont succédées : promenade dans l’aven de Lucucillo, une sortie avortée au Trou Souffleur de Larandaburu pour cause de risque d’éboulement, au gouffre des Lumières : topographie et fin d’exploration, au GA472 : poursuite de la désobstruction à – 10m, au gouffre des Gégènes : désobstruction à –220m, au GA56 : désobstruction à –130m et enfin visite de la Taupe jusqu’à –250m.

C’est pour se délasser de toutes ces sorties éprouvantes que Pierre, Thibault et Arthur partent prospecter en forêt. Ils semblent exceller dans ce domaine puisque qu’ils trouvent et retrouvent plusieurs gouffres dont les TH4 et TH5. Découverts et explorés dans les années quatre-vingt mais mal positionnés sur les cartes, on n’avait jamais vu les entrées. A une trentaine de mètres, un autre trou, non répertorié, aspirant et très étroit retient l’attention des deux fouineurs.
Il n’en faut pas plus pour piquer notre curiosité et décider d’une introduction souterraine dans les formes…

ApprentissageAprès trois quarts d’heure de marche d’approche faite de montée dans la forêt et sur l’alpage, on accède à l’entrée verticale du TH4 : huit mètres par deux qui donnent une envie irrésistible de s’enfoncer dans le noir.
On se répartit les explorations : Jean-Louis, Lucien et Denis vont équiper le TH4 où aucun point d’amarrage n’est visible en paroi ; Pierre, Arthur et moi s’orientons vers l’autre terra incognita qui avale l’air de la forêt.
L’entrée encombrée de blocs nécessite une réorganisation rocheuse. Une demi-heure plus tard, un grand bruit résonne dans la vallée, signalant les ravageurs sylvestres. Les indigènes sont habitués…

A l’entrée le brouillard résiduel est englouti dans l’ouverture, c’est le signe que la cavité se prolonge.  Mais un gros bloc d’une cinquantaine de kilos bouche toujours en partie le passage. C’est là que le spéléo révèle sa bestiale ingéniosité : on installe deux palans fixés sur les arbres environnants puis on tire, on souque, on sue aussi, arcboutés à trois sur la corde. Rien n’y fait. Le rocher bouge à peine. Après différents essais ponctués d’échecs, on finit par résoudre le problème en faisant levier avec une grosse branche sur un coin du bloc qu’on réussit à extraire du trou.

L’entrée est formée dans un éboulis plutôt instable. En enlevant un caillou, pourtant précautionneusement, je fais descendre une montagne de blocs au fond d’un puits : il mesure bien une vingtaine de mètres. Il reste encore du ménage à faire sur un palier situé quatre mètres plus bas.
La fièvre de la désobstruction ayant momentanément faibli on décide de revenir le lendemain matin et pour l’heure d’aller visiter le TH4 maintenant équipé par Jean-Louis.
L’entrée est imposante à cause de la taille du puits. Après quinze mètres de descente on peut mettre les pieds sur une partie déclive, terreuse et glissante. Une corde aiderait à ne pas dévaler la pente trop rapidement. On accède à une grande salle d’effondrement en pente, assez haute, dont le sol est un grand éboulis. Il faut être vigilant pour ne pas faire descendre certains blocs instables sur les copains qui sont plus bas.ConcrétionsPlusieurs passages latéraux remontants sont fermés par des éboulements. Un grand laminoir, pas assez haut pour passer, s’ouvre devant nous. Le plancher est constitué d’un millefeuille de dalles calcaires peu épaisses posées sur des lits d’argile. Il est facile d’enlever à la main plusieurs décimètres de cette couche sèche dont on ne sait si elle est sédimentaire ou le résultat d’un remaniement. Jean-Louis réussit à ramper dans ce laminoir mais n’y trouve aucune suite possible. On poursuit en descendant vers le fond toujours dans les éboulis.

Arrive un ressaut de plusieurs mètres qu’il faut descendre en opposition et en désescalade. C’est le point bas de la cavité à -35m environ. Un gigantesque  bloc de plusieurs mètres de haut et de large s’est détaché de la paroi de droite, il y a longtemps heureusement, et est venu boucher le bas d’un méandre. Il repose maintenant sur une pente d’éboulis.
Par chance un vide permet, en rampant, de passer sous cette montagne impressionnante. Je me retrouve au fond d’une niche avec Pierre, inconfortablement installé sur un tas de cailloux, les genoux au niveau du menton. Il y a au fond un passage qui descend et qui semble prometteur. Il est malheureusement encombré de rochers. Si le capitaine Haddock  ne se sépare jamais de sa pipe, Pierre ne quitte jamais sa cigarette électronique. La fumée envahit la petite cavité où l’on se trouve et disparaît en quelques secondes aspirée vers le bas : la suite est bien par là mais il faudrait passer à travers l’éboulis sur lequel on est assis pour continuer !

En escaladant le ressaut j’arrache inopinément quelques prises peu fiables dont l’absence rend la sortie plus délicate pour les copains qui me suivent. Arrivé en bas du puits d’entrée, on observe deux beaux miroirs de faille inclinés, parfaitement plans et l’un au dessus de l’autre. Les roches des deux côtés du passage sont visiblement de faciès différents, un indice supplémentaire attestant la présence d’une faille. Dommage que  je n’ai pas le matériel de topo pour faire quelques relevés.
En redescendant vers le cayolar, Arthur peine à nous emmener à l’entrée d’un autre gouffre encore inconnu quelques jours auparavant. Il finit par le retrouver, il faudrait descendre un puits d’au moins dix mètres pour savoir si la cavité continue. Il se fait tard, on le pointe au GPS et on décide de le mettre en réserve pour une prochaine sortie.

Dome de calcilteLe lendemain, Pierre, Arthur et moi sommes à pied d’œuvre à l’entrée du dernier né, numéroté TH451 et appelé le PQRST d’après un des jeux de mots dont Jean-Louis est friand. Les désobeurs comprendront… Je m’engage dans l’entrée du puits qui reste étroite et j’arrive sur le palier quatre mètres plus bas. Hum, il faudrait élargir un peu. Décision, action et réaction : quelque temps plus tard, la section du passage est plus adaptée à notre corpulence,  je vois enfin la suite du puits. Les parois sont formées de grandes et fines lames verticales, ce qui explique les jolis bruits de cloches qu’on entendait quand les cailloux ricochaient dans le puits contre ces éléments rocheux résonnants ; la nature est parfois étonnante. C’est assez large. Disposant du gros perfo, je fais une tête de puits en perçant deux trous de dix millimètres dans lesquels je glisse deux bouts de Dyneema. J’installe la corde avec deux nœuds de tisserand et je descends sereinement de vingt mètres.
J’arrive sur le fond d’un court méandre dont l’amont est fermé quelques mètres plus loin mais à l’aval une ouverture permet de passer dans un deuxième puits. Un nouveau trou en hauteur dans une lame me permet d’y mettre un amarrage et de m’engager au dessus du vide. Pierre me rejoint et je lui passe la main pour faire la suite de la première.
La configuration des parois est bien adaptée à la pose des AF. On continue dans l’équipement bio, dixit Pierre. Je rejoins mon coéquipier en bas d’un puits de dix mètres de taille confortable. On descend un petit ressaut qui donne dans une courte galerie jonchée de petites dalles. On se trouve au niveau de la même couche de calcaire en bancs découverte dans le TH4. Au fond, un passage horizontal dans les dalles effondrées est surmonté d’une étroite fissure verticale qui aspire nettement le courant d’air provenant de l’extérieur. Fin de la première.
Un report sur la carte nous montrera la proximité des deux fonds de cavités qui se rejoignent certainement plus bas sous la zone d’éboulis.  La suite, si elle existe, au prochain camp…

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