Exploration janvier, février 2022

Pascal Mathellier
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Le Fakir lors de sa découverteUn nouvel an sous le soleil

Rembobinage du déroulé de nos sorties : fin décembre nous étions quatre passionnés présents au cayolar pour continuer les explorations sur le massif des Arbailles. Olivier, transformé en ermite montagnard pendant trois jours, aura eu le temps d’empierrer une partie du chemin d’accès à la cabane, débiter du bois de chauffage, prospecter à la recherche de trous que jamais il ne trouva et d’aller continuer l’élargissement du P4 terminal du Bois de Cerf à -140.

Lors d’une première prospection, nous retrouvons une cavité, entrevue en octobre, d’à peine deux mètres de profondeur seulement mais potentiellement bien située au dessus de la partie aval du Bidon. Nous choisissons de nous engager dans la désobstruction de ce trou, sachant qu’elle sera probablement une occupation de longue haleine. Ce qui est formidable avec les copains d'explo c'est que rien ne leur parait infaisable ni insurmontable. En deux séances nous atteignons une profondeur de 3,5m soit en moyenne 15 cm par heure. Aux détracteurs de notre lenteur on avouerait que ce n’est pas notre meilleur score mais que nos méthodes restent artisanales et que nous aimons le travail bien fait.

En revenant de notre zone de recherche nous avons pris l’habitude de démonter des pièces de bois, pour le chauffage, sur l’ancienne et imposante cabane des chasseurs que la nature n’aimait pas. Elle l’a transformée d’un simple coup de vent, en une ruine éventrée et éparpillée sur l’alpage. Depuis deux ans on y trouve pêle-mêle des pieux, des planches, des parpaings, des bouts de ferrailles, de la moquette, des plaques goudronnées, des vitres, etc. Je ne dirai rien de la conscience écologique des chasseurs mais grâce à nous l’épave rapetisse au fur et à mesure de nos prélèvements. Sur quelques planches qui trainent encore des clous dépassent dangereusement. Ce soir là, la pénombre est tombée et le malheureux Jean-Alain ne se doute de rien. Un pas de travers et un clou lui perfore la botte, la chaussette, la peau et pénètre profondément la chair. La blessure sérieuse est toujours douloureuse le lendemain. Plus question de continuer l’aventure avec nous. Dans une association d’idées saugrenues - cabane - planche à clous - fakir, Olivier avec une pointe d'humour et beaucoup d’empathie pour notre ami, baptise définitivement notre nouveau trou : le Fakir.

Une dernière séance de désobstruction et de topographie dans le Bois de Cerf après la descente d’un nouveau petit P5 clôt cette virée arbaillesque du nouvel an.

Le séjour de février

Comme souvent, le temps va conditionner nos explos. A notre arrivée, quelques tas de neige ont résisté au réchauffement climatique au pied du cayolar, juste assez pour remplir les casseroles et une grande poubelle pour un futur lavage de la vaisselle et du matériel. Le réseau d'alimentation en eau des cayolars est fermé en hiver. La neige va vite fondre et envahir les cavités que nous allons descendre les jours suivants. Le poêle chargé en continu avec le stock de bois constitué à l’automne turbine à faire rougir le tuyau d’évacuation des fumées.

Le premier jour, Jean-Louis et moi partons dans le Bois de Cerf ouvrir le puits à l'extrémité du méandre des Confinés. Au final on descend un P8, un bout de méandre assez large de 6 à 7m de long qui se resserre rapidement puis mesure 20 cm de large. Devant, un écho assez lointain, plusieurs mètres à élargir pour voir la suite : la ritournelle habituelle. Pendant ce temps Thomas et Jérémy avec l’équipe du Leize Mendi descendent dans le gouffre Etchar poursuivre les découvertes.

Le Fakir en févrierLe lendemain, arrivée de Sébastien et nouvelle partie de terrassement souterrain dans le Fakir, le bien nommé. On attaque l’autre coté du puits qui semble plus large et plus profond que la partie creusée au nouvel an. Pas d’anecdote sanglante ce jour là mais le plaisir d’être ensemble est bien là.

Le jour suivant, retour dans Etchar pour visiter la grande salle d’effondrement (60m par 40m) découverte récemment par Leize Mendi. Je fais le tour de ce grand volume en pente avec Thomas en prenant les mesures nécessaires à la topographie. En partie haute un grand puits arrosé arrive dans la salle, un coup de laser-mètre affiche 60m de hauteur. Dans la partie basse on s’infiltre à travers un éboulis instable qui permet d’arriver dans un P25 que nous ne descendons pas et une salle de soutirage peu engageante car formée par des blocs en équilibre. Un vrai château de carte souterrain. Par sécurité, Thomas décide avec raison de déséquiper cet accès. En face de l’entrée de la salle une série de ressauts mènent à l'autre côté du P25 et à un P12 très arrosé, qui se prolonge par un P30. Thomas tente la descente mais inutile de se tremper, on pourra revenir quand la météo sera plus clémente. La suite est probablement par là car les passages sont ventilés et situés sous une grande cassure qui borde la salle. A la louche et à la douche on a atteint les -200m. Belle balade et comme dit Thomas la salle vaut des points.

Jean-Louis qui a décidé de faire visiter un maximum de cavités à Jérémy l’entraine au fond du Bois de Cerf. Ils nous rejoignent l’après-midi dans le gouffre Etchar à la fin de la topographie.

En sortant je m'emballe un peu trop sur le futur de la cavité : et si le haut du puits remontant était proche de la surface ça permettrait d’arriver directement dans la grande salle ? Le report de la topo nous montre qu’il n’en est rien car la salle est positionnée sous la partie haute de la surface et non sous la doline qui se trouve plus bas.

Ce matin pendant que Jean-Louis et Jérémy - qui finira sur les rotules - partent visiter la Taupe jusqu’à -180, Sébastien et moi retournons prospecter dans les zones IH et RE de cette incroyable forêt des Arbailles, en espérant découvrir des trous à l’aplomb du fameux et sélectif Bidon. On en retrouve mais ils sont situés au dessus de l’EX25. Finalement, le Fakir semble notre meilleure option pour accéder au Bidon. L’après midi, poursuite de la désob au Fakir, on ne remue pas ciel et terre mais seulement pierres et terre, c’est moins poétique. Bonne pioche, ça descend toujours et le puits s’élargit vers le bas.

Un bilan mitigé pour le Bois de Cerf, prometteur pour le Fakir et Etchar. Et bien sûr une bonne ambiance, vous vous en doutez.